bleu-agency-points-bleus

 

8 Millions de vues sur YouTube. Plus de 10 Millions de Tweets… en 1 jour.

La vidéo des anecdotes Macron vs. McFly & Carlito n’en finit pas de susciter des réactions. Etonnamment (= humour), les pro-Macron la trouvent géniale, les opposants la trouvent ridicule…

L’enjeu de cet article n’est pas d’avoir un point de vue politique sur ce sujet: ce n’est pas mon métier, et j’estime que Linkedin n’est pas le lieu pour aborder ce type de sujet. Mais au contraire, de voir comment et si la marque Macron parvient à garder sa cohérence en surfant sur les références telle que Jupiter et… McFly & Carlito…

Un président jupitérien…

 

Revenons en Octobre 2016. Le candidat Emmanuel Macron, lors d’une interview pour le magazine Challenges, prétend vouloir incarner « un président jupitérien ». Jupiter n’est pas un simple Dieu. C’est le roi des Dieux…

 

A travers ces mots, que l’on pourrait trouver présomptueux, la marque Macron entend créer une rupture avec la présidence « normale » de François Hollande en se plaçant au-dessus de la mêlée… Pour reprendre ses propos, Emmanuel Macron souhaite avoir « une capacité à éclairer, une capacité à savoir, une capacité à énoncer un sens et une direction ancrés dans l’histoire du peuple français », comme l’auraient eu De Gaulle ou Mitterrand.

 

Sur ce point, la marque Macron parvient-elle à avoir cette posture jupitérienne avec McFly & Carlito ?

 

Oui. Sans aucune hésitation. Pourquoi ?

 

  • Par le choix du lieu : le lieu – l’Elysée – est loin d’être anecdotique. Ce n’est pas Jupiter qui descend sur le terrain de jeu des Youtubers dans un lieu quelconque, mais les Youtubers qui « montent » sur le Mont Olympe. Ils sont d’ailleurs stupéfaits d’y accéder, et la roulade inattendue de McFly dans le jardin en est d’ailleurs un symbole pour dédramatiser l’accès à cet endroit habituellement fermé…

 

  • Par le look : Emmanuel Macron n’est pas en tenue casual comme on aurait pu s’y attendre, mais garde bien son look costume-cravate de Président de la République. Inévitablement, cela créé une distance avec ses interlocuteurs – et indirectement maintient une posture de leader.

 

  • Par les anecdotes : McFly & Carlito parlent de leurs anecdotes personnelles. Emmanuel Macron, lui, parle en tant que Président de la République et n’hésite pas à valoriser sa proximité avec des personnalités à renommée internationale : M’Bappé, Trump, Youssou ND’our, l’OM… On constatera qu’à aucun moment, il ne parle de sa vie personnelle et d’anecdotes avec Brigitte comme on aurait pu s’y attendre. Il est le monde. Les autres sont des citoyens.

 

  • Par les marques de respect de la part des Youtubers : vous avez remarqué ? Tout au long de la video, les Youtubers l’appellent « Monsieur le Président » ? A aucun moment, ils ne l’appellent Monsieur Macron, voire Emmanuel.

 

  • Par sa posture physique d’homme seul face au défi : Emmanuel Macron fait un match seul face à 2 hommes. Il n’hésite pas d’ailleurs à utiliser une sémantique sportive pour taquiner ses interlocuteurs. Il est par ailleurs « l’élément » central : lors des interviews, il reste fixe sur le plan pendant que les autres se déplacent dans la salle. Lors de la sortie dans le jardin, il est placé au centre, entre McFly & Carlito. Coïncidence ? Je ne crois pas…

La fougue et l’impertinence d’un président (presque) Millennial

 

Emmanuel Macron est un « vieux » Millennial…

 

Contrairement à d’autres politiques qui se ridiculisent sur TikTok, il a parfaitement compris l’usage des réseaux sociaux, leur importance auprès de la jeunesse – ainsi que les risques… Il va ainsi utiliser la 1ère plateforme vidéo des jeunes – qui reste néanmoins accessibles aux autres tanches d’âges… Cibler – sans segmenter. OK Boomers ?

 

De plus, quels sont les thèmes qu’il aborde ? Le foot, avant toute chose (la béquille, M’Bappé, l’OM / PSG…)… La musique internationale. L’épouvantail Trump qu’il ridiculise subtilement au passage… Bref, tout ce que la jeunesse aime… ou aime détester.

 

Enfin, il surfe sur le divertissement. Soyons honnêtes, depuis plus d’un an, notre pays, et notamment notre jeunesse, souffre de l’absence de moments de plaisirs. A travers cette vidéo, Emmanuel Macron entend donner un sourire à cette cible qui en redemande. Il s’inscrit ainsi complètement dans les attentes de sa cible, et les commentaires des « jeunes » semblent montrer clairement un enthousiasme réel et partager pour ce challenge.

L’esprit visionnaire de la startup nation ?

 

Lors de son élection, Emmanuel Macron entendait incarner la startup nation synonyme de dynamisme, croissance, créativité, innovation, jeunesse, vision…

 

Pourtant, la startup nation a pris médiatiquement et politiquement un sacré coup dans l’aile depuis 2 ans : crise des gilets jaunes, fiascos financiers et sociaux de certaines startups à notoriété internationale, licornes françaises qui n’arrivent pas à transformer… Or, la pandémie a clairement remis les startups au coeur de l’économie : Pfizer n’aurait pu avancer sans BioNtech, Moderna, laboratoire indépendant etc… Et sur le coup, la France s’est plantée…

 

Or, si en France on n’a pas de vaccin, on a des idées. Le clip des gestes barrières – qui est à l’origine de ce concours d’anecdotes – a été une manière de (re?)sensibiliser les jeunes sur ce sujet. Je n’ai aucune idée si cela a été suivi d’effets concrets, mais il est certain que cela a fait parler.

 

Par ailleurs, l’usage d’une approche challengeante (« Si vous atteignez 10 M de vues, vous venez à l’Elysée »), d’une vidéo ludique et humoristique (le concours d’anecdotes) ancre l’image du président dans une dynamique digne du test & learn de la startup nation.

La responsabilisation ?

 

Penser que la jeunesse n’a pas suffisamment d’esprit critique pour prendre ses distances avec cette video, comme le fustigent des opposants, c’est prendre les jeunes pour des cons…

 

Dès le début de la vidéo, Carlito souligne que ce n’est pas parce qu' »un candidat a l’air sympa qu’il faut voter pour lui ». Le ton est donné. Et la franchise est de mise.

 

L’internaute est donc face à sa propre responsabilité : oui, le Président a l’air cool mais ce n’est pas pour ça que c’est ou ce sera un bon Président. De plus, l’internaute a parfaitement conscience que cette vidéo a avant tout pour objectif de séduire une cible blasée par la politique, fuyant les isoloirs – ou paradoxalement votant pour les extrêmes.

 

Ainsi, Jupiter en appelle à la responsabilisation : « OK tu ne m’aimes pas mais choisis. Tu préfères le silence, les discours révolutionnaires ou la coolitude que j’incarne ? ». Il force à faire un choix…

En conclusion

 

Il n’y a quasiment aucun doute sur le fait que (presque) rien n’est spontané dans cette vidéo et que tout a été préparé (avec brio) par une armée de conseillers : le choix des questions, le score à égalité (le Président ne pouvait de toutes façons ni perdre ni écraser son adversaire), les cadrages etc…

 

A l’instar des talk-shows du couple Obama qui emportaient la foule, l’exercice marketing semble avoir été réussi. Posture haute et visionnaire, impertinence, responsabilisation, dynamisme, accessibilité, les valeurs de la marque Macron sont réunies.

 

Au final, il s’inscrit même dans les pas de son mentor Paul Ricoeur, apôtre du « En même temps », « cette manière de penser le paradoxe, la complexité, d’appréhender le politique de manière syncrétique » (Source : L’Express 06/10/2017)

 

Reste à savoir si l’exercice politique sera aussi efficace. Mais c’est un autre sujet.